Deux employés indiens du géant sud-coréen de l'acier POSCO sont retenus en otage dans l'est de l'Inde par des activistes opposés à un énorme projet d'usine sidérurgique a annoncé vendredi la police.

Cette future usine de 12 milliards de dollars du numéro 3 mondial de l'acier provoque la colère d'agriculteurs qui refusent de vendre leurs terrains, provoquant régulièrement des affrontements, parfois même très violents.

Trois personnes avaient été enlevées, mais une femme a rapidement été libérée.

Les deux employés de POSCO sont retenus dans un village du district de Jagatsinghpur de l'Etat de l'Orissa (est), bastion de militants qui se battent depuis des mois contre un projet d'aciérie.

Un des activistes, Abhoy Sahu, a déclaré au téléphone à l'AFP qu'il "exigeait un engagement de POSCO par écrit à ne pas construire son aciérie ici", ajoutant que les deux otages n'étaient pas blessés.

Un négociateur a été envoyé sur place pour tenter de faire libérer les deux salariés.

Le gouvernement de l'Orissa avait promis qu'il n'utiliserait pas la force pour réquisitionner les terrains alloués à POSCO, à 120 km à l'est de la capitale Bhubaneswar. Sur son site internet, Amnesty International se dit pourtant “profondément préoccupée” par les informations selon lesquelles des fermiers de Jagatsinghpur, dans l’État de l’Orissa, à l’est de l’Inde, qui protestent contre leur déplacement proposé par le gouvernement de l’État en vue de la réalisation d’un nouveau projet industriel, risquent d’être expulsés de force par la police de l’État.

Le rêve d'expansion industrielle de l'Inde, fondé sur des projets de zones économiques spéciales (ZES) en milieu rural, se heurte à la colère de fermiers ulcérés par le rachat de leurs terres par les autorités pour en faire des parcs industriels. A l'autre bout du sous-continent, au Maharashtra (ouest), une ZES destinée au géant indien pétrochimique Reliance suscite aussi l'ire d'agriculteurs.

La tension s’est accrue dans le district de Jagatsinghpur depuis qu’un millier de policiers a encerclé les panchayats (conseils de village) de Dhinkia, Nuagaon et Gadakujang, s’apprêtant apparemment à investir la zone. Dans plusieurs villages de la région, les fermiers manifestent depuis maintenant quatorze mois contre leur déplacement prévu en vue de l’installation d’un site sidérurgique intégré par la société sud-coréenne POSCO.

Amnesty International exhorte les autorités à tirer les leçons des épisodes malheureux de violence qui se sont produits récemment à Kalinga Nagar (en Orissa) et à Nandigram (au Bengale occidental voisin). Le recours aux forces de police – alors qu’aucune consultation n’avait été menée auprès des populations locales qui manifestaient – avait fait 13 morts à Kalinga Nagar et au moins 14 morts à Nandigram, ainsi que des blessés graves. En mars, 14 personnes avaient en effet été tuées par la police du Bengale Occidental (est) tandis qu'elles manifestaient contre la création d'une ZES.

L’organisation est “convaincue que la consultation exhaustive des populations concernées sur les conséquences des décisions économiques en matière de droits humains est indispensable pour préserver les droits fondamentaux dans le cadre du développement”. Elle tient à rappeler aux gouvernements leur obligation de “trouver un équilibre entre le respect des droits humains et leur volonté de favoriser la croissance économique”. Elle réaffirme que le développement durable ne peut se mesurer uniquement en termes économiques : c’est un processus global qui comprend le développement de la société civile, le renforcement de l’état de droit et la réalisation des aspirations des personnes et des groupes non seulement dans le domaine économique, mais aussi sur le plan civil, politique, social et culturel.

L'Inde, qui se rêve en superpuissance rivale de la Chine, tient à tout prix à ses ZES, qui ont force de loi depuis 2005. Des centaines de projets - inspirés du modèle chinois et censés attirer les groupes étrangers et locaux - visent à créer des enclaves industrielles privées exemptées d'impôts, avec de solides infrastructures.

A noter également, que fin avril, selon un responsable de POSCO, le troisième sidérurgiste mondial, a mis en oeuvre un accord de participation croisée avec son compatriote Hyundai Heavy, numéro un mondial de la construction navale, afin de faire face à une éventuelle offre d'achat hostile,

Cet accord intervient peu après des informations de presse évoquant un intérêt du numéro un mondial de l'acier Arcelor Mittal sur POSCO. Le président-directeur général du sidérurgiste, Lakshmi Mittal, a cependant démenti fin mars ces rumeurs. Les deux groupes se livrent bataille pour le contrôle des juteux marchés de Chine et d'Inde. Hyundai Heavy a ainsi acheté via sa filiale Hyundai Mipo, 1,0% de POSCO pour 343 milliards de wons (369 M USD). POSCO s'est porté acquéreur de 1,9% dans Hyundai Heavy. POSCO et le japonais Nippon Steel, deuxième mondial, avaient déjà convenu en octobre d'un accord prévoyant le renforcement de leur participation croisée. Cette alliance intervenait peu après la prise de contrôle d'Arcelor par Mittal Steel.

L''Inde a prévu de tripler sa production d'acier d'ici à 2015. Le géant asiatique devrait ainsi produire 120 millions de tonnes d'acier à l'horizon 2015-2016 et même 180 millions de tonnes de ce métal d'ici à 2019-2020, contre 44 millions cette année, a affirmé récemment le secrétaire en charge de la sidérurgie, R.S. Pandey. L'Inde est actuellement le 7e producteur d'acier au monde, très loin derrière la Chine qui a une capacité de production de 418 millions de tonnes par an.
Les aciéristes indiens veulent répondre à la demande des constructeurs automobiles et des groupes du bâtiment, lesquels dopent l'économie de l'Inde qui croît de quelque 9% par an.

Sources : AFP, Amnesty International, le Moniteur