La presse généraliste en a abondamment parlé (tiens ?) : Rhodia et son ex-PDG ont été condamnés à des sanctions pécuniaires respectives de 750 000 € (une broutille pour Rhodia) et 500 000 € (là, pour un particulier, c'est autre chose !).

La sanction porte sur (sic) : "le caractère inexact, imprécis et trompeur de [la] communication financière". Notre amie la Directive Transparence est de retour ! Intéressons-nous un peu à ce cas d'école :

Tout d'abord, la période considérée. Nous sommes dans l'exercice 2002, soit juste après la panique boursière du 21 septembre 2001. On aime prendre son temps à l'Autorité des marchés financiers, ça, je l'ai déjà souligné, mais ce n'est pas le plus important.

Souvenez-vous : deux monocouloirs régionaux (et pas des Airbus) détournés par des terroristes saoudiens venaient de s'écraser sur les tours du WTC, provoquant l'explosion de la bulle boursière de la fin des années 90. C'est la panique chez les investisseurs, habitués à une croissance à deux chiffres sur le résultat net. Et chez les entreprises cotées : comment rassurer le Marché (= continuer à afficher cette fameuse croissance à deux chiffres), et surtout comment empêcher votre capitalisation de plonger dans les abysses infernaux où se trouvent les penny stocks et les losers.

Certains obtiennent des dérogations écrites du Président de la COB (par email, certes) pour soutenir artificiellement leur cours de bourse. Mais tout le monde n'a pas le carnet d'adresse (et la baraka ) d'un Messier...

Face à une situation désespérée et devant l'exaspération du Conseil d'administration qui se lamente sur la fonte comme neige au soleil de ses Options de Souscription d'Action, il reste toujours la possibilité de se plonger dans la consolidation, et d'appliquer les règles de la comptabilité dite "créative".

Cinq ans plus tard, la sanction de l'Autorité des marchés financiers est tombée. Comme toujours très didactique, l'AMF relève trois points d'informations trompeuses données au Marché :

1. la valorisation dans le bilan de la filiale Chirex (bien évidemment) en difficulté
2. la comptabilisation des actifs d'impôts différés dans les comptes au 31 décembre 2002 et dans les comptes au 30 juin 2003.
3. les informations relatives à la dette, à la trésorerie et aux risques environnementaux.

Engagements hors bilan, impôts différés, prévisionnel non réajusté... Tout cela est connu, archiconnu et constitue même l'archétype de la comptabilité de cette époque, qui, je le répète, voyait la fin d'un monde des lendemains qui chantent boursiers.

Ce qui est étonnant, c'est qu'un groupe international comme Rhodia ait plongé dans de tels égarements. C'est peut-être cela que l'AMF a sanctionné si lourdement aujourd'hui.

Le titre Rhodia a perdu 3,09% à 33,53€ à la clôture ce soir sur Euronext Paris, dans des volumes records.