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Frégates de Taïwan:la Suisse restitue une part des fonds - gregory - 06-14-2007 08:35 AM

La Suisse a restitué à Taïwan 34 millions de dollars sur un total de 520 millions bloqués dans les banques suisses dans le cadre de l'affaire des frégates de Taïwan, a annoncé mercredi à Berne le juge d'instruction fédéral chargé de l'affaire.

Le 5 septembre 2006, les autorités de Taiwan ont requis la restitution des valeurs patrimoniales bloquées par la Suisse dans le cadre d'une procédure pénale et de la procédure d'entraide judiciaire. Elles ont chiffré à USD 520 millions (plus intérêts) le préjudice que le versement de commissions illicites dans l'affaire des frégates a fait subir à Taiwan.

Les fonds "ont été virés aujourd'hui (mercredi) aux autorités judiciaires de Taïwan", a précisé le juge Paul Perraudin dans un communiqué. "La procédure portant sur la remise du solde des avoirs bloqués en Suisse, qui sont présumés provenir de commissions illicites versées dans le cadre de l'affaire des frégates reste pendante", a indiqué M. Perraudin. La documentation bancaire transmise par la Suisse à Taïwan établit que les fonds bloqués proviennent bien de la vente des frégates, a encore indiqué le juge.

La requête adressée à la Suisse par Taiwan n'est pas fondée sur une décision de confiscation rendue par un tribunal. En vertu de la loi fédérale sur l'entraide pénale internationale, il est cependant possible, à titre exceptionnel (lorsque les avoirs bloqués sont manifestement d'origine criminelle), de restituer ceux-ci à l'Etat requérant en l'absence d'une décision de confiscation exécutoire.

Le 2 février 2007, le Juge d'instruction fédéral en charge de l'affaire a ordonné, avec le consentement exprès des deux titulaires de comptes concernés, la remise de 34 millions USD à Taiwan. Il a toutefois, subordonné cette restitution à la condition que les autorités de Taiwan s'engagent à ce que les deux personnes en cause fassent l'objet d'un procès équitable et respectueux des droits de l'homme. Dans sa décision du 1er mai 2007, l'Office fédéral de la justice a constaté que les garanties fournies par le Ministre taiwanais de la justice constituaient un engagement suffisant au regard des conditions fixées par le Juge d'instruction fédéral. Cette décision ayant acquis force exécutoire, les contrats de placement fixe des valeurs patrimoniales bloquées on été dénoncés.

L'affaire remonte à 1991. Six frégates françaises ont été livrées à Taïwan par le groupe Thomson (devenu depuis Thales), pour un montant de 2,5 milliards de dollars. Lors de cette transaction, d'importants dessous-de-table auraient été versés, selon les autorités taïwanaises. Plus précisément, c’est en 1988, que le groupe Thomson-CSF approche le gouvernement français en vue de la vente à Taïwan de six frégates de la classe La Fayette. Cette opération est codée opération bravo.

Le ministère des Affaires étrangères, alors dirigé par Roland Dumas, met son veto, relayant ainsi l'opposition de la Chine à cette transaction. Alfred Sirven, bras droit de Loïk Le Floch-Prigent (président du groupe pétrolier Elf), propose aux dirigeants de Thomson les services du "réseau Elf" pour jouer les intermédiaires avec Pékin par le biais d'Edmond Kwan, un homme d'affaires chinois. Après plusieurs mois, la Chine met une sourdine à ses objections et le ministère français des Affaires étrangères lève son veto. En août 1991, le contrat des frégates de Taïwan est signé pour 2,8 milliards de dollars US.

Le 8 novembre 2005, la Suisse a transmis, au titre de l'entraide judiciaire, de très nombreuses pièces aux autorités de poursuite pénale de la France, de Taiwan et du Liechtenstein, afin de faciliter les instructions ouvertes dans ces Etats. Sur cette vente, plus de 500 millions de dollars de commissions occultes ont été versées, vraisemblablement à des fins de corruption et d'enrichissement de divers protagonistes, voire pour le financement illégal des partis politiques français. Ces commissions sont passées par plusieurs réseaux d'intermédiaires, en particulier le sino-américain Andrew Wang, le principal suspect de cette affaire, soupçonné d'avoir organisé un système de détournements massifs.

Interrogé comme témoin en juin 2001, Roland Dumas, ministre des affaires étrangères au moment de la signature du contrat Bravo, avait affirmé que cette somme était en fait destinée à "des responsables de Taïwan, à concurrence de 400 millions de dollars, et de 100 millions de dollars à destination du comité central du Parti communiste de Pékin". Il fallait à la fois convaincre le gouvernement taïwanais d'"acheter français" et amadouer les autorités chinoises, opposées à toute livraison de matériel sensible à l'île nationaliste. Selon Roland Dumas, les commissions étaient destinées à 80% aux « responsables de Taiwan » et à 20% au « comité central du Parti communiste chinois ».
Ex-directeur adjoint chez Thomson-CSF, Alain Fribourg a assuré aux juges avoir "toujours considéré à l'époque que c'était le parti au pouvoir à Taïwan qui bénéficiait pour une bonne partie de ce que l'on versait à M. Wang".
Le 17 mai 2004, l'ancien ministre socialiste du Budget Michel Charasse a reconnu avoir signé des commissions "légales" pour les frégates de Taïwan. L'ancien ministre a assuré que "c'était légal et régulier" mais a refusé de révéler le montant de ces commissions au nom du "secret défense". Ces commissions sont par ailleurs déductibles d'impôt puisqu'elles sont considérées comme des frais de prospection. Cette autorisation est maintenant interdite depuis la ratification par la France de la Convention de l'OCDE contre la corruption.

Le 24 juillet 2006, l'ex-ministre socialiste de la défense Alain Richard a mis en cause François Mitterrand et son premier ministre Édouard Balladur entre 1993 et 1995 dans le versement de ces rétro-commissions. Depuis cette déclaration, les juges ont entendu Nicolas Bazire, ex-directeur de cabinet de Édouard Balladur, ainsi que trois proches de François Mitterrand : Hubert Védrine, ex-ministre des affaires étrangères, Jean-Louis Bianco, ex-secrétaire général de l'Elysée, et Gilles Ménage, ancien directeur adjoint du cabinet du président.

Quand au solde des valeurs patrimoniales, il reste bloqué. Le Juge d'instruction fédéral statuera sur leur restitution dans une seconde étape. Il devra notamment déterminer si les avoirs en cause sont manifestement d'origine criminelle et si, par conséquent, ils peuvent être remis à Taiwan en l'absence d'une décision de confiscation exécutoire ou si leur restitution devra être conditionnée à d'autres exigences de droit suisse.

Au total, 900 millions de dollars sont bloqués dans les banques suisses dans le cadre de cette affaire.
Le retour vers l'Europe d'une partie de cette masse énorme a nourri d'importants fantasmes dont le prolongement a été trouvé dans l'affaire Clearstream 2, dont la base est la scénarisation par le "corbeau" de distribution de ces rétrocommissions à travers la boîte noire financière Clearstream.

Source : AFP, Administration fédérale, Wikipédia