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Peines plancher, ça se précise - gregory - 06-06-2007 09:17 AM

La mise en œuvre de peines plancher est une question à laquelle Nicolas Sarkozy tient depuis maintenant plusieurs années.

Maintenant qu’il est élu président et que son gouvernement est en place, il entend faire rapidement voter un texte au Parlement et ce, dès cet été pour une mise en application à l’automne.

Le principe même des peines plancher est critiqué comme étant principalement contraire au principe constitutionnel d’individualisation de la peine et vécu également comme une mesure de défiance vis-à-vis des magistrats dont le président de la République a déjà eu l’occasion de dire tout le bien qu’il pensait.

Je vous invite à lire ou relire le billet d’Eolas sur le sujet, celui d’Anaclet de Paxatagore.

Ou encore celui que j’avais rédigé à la suite d’une audience de comparution immédiate récente.

D’autres soutiennent l’idée des peines plancher comme étant un outil de lutte contre les violences faites aux personnes de nature à réduire la part d’arbitraire de la décision de justice et une certaine homogénéité des décisions prononcées sur l’ensemble du territoire français

Dans une interview accordée au journal Le Monde du 2 juin, Rachida Dati a donné les détails du projet de loi qui sera soumis au Parlement.

On y apprend tout d’abord que le texte vise les crimes et tous les délits faisant encourir une peine de trois années d’emprisonnement.

On notera immédiatement sur ce point que ce projet serait donc plus sévère que la proposition de loi de Christian Estrosi (Député UMP) présentée en 2004 mais qui n’avait pas abouti.

A l’époque soutenue par monsieur Sarkozy alors ministre de l’Intérieur, cette proposition visait uniquement les délits punis de dix années d’emprisonnement, c’est-à-dire les délits les plus graves (notamment ceux relatifs aux atteintes aux personnes).

Mais le projet diffère également des propositions de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle puisque là encore, seuls les délits les plus graves étaient visés d’après Emmanuelle Mignon alors directrice des études à l’UMP.

Le champ d’application du futur texte est donc très large. Il s’appliquera également aux mineurs.

D’après madame Dati, le texte s’appliquera de la façon suivante :

"La peine minimale, en cas de récidive, sera d’un an de prison quand le délit est punissable de trois ans, de deux ans pour cinq ans, de trois ans pour sept ans et de quatre ans pour les délits punis de dix ans. Pour les crimes, en récidive, le minimum sera respectivement de cinq ans, sept ans, dix ans et quinze ans pour les actes encourant quinze ans, vingt ans, trente ans et la réclusion à perpétuité.

Pour la première récidive - c’est-à-dire le deuxième acte délinquant -, le juge pourra prononcer une peine inférieure à la peine minimale. Il devra spécialement motiver sa décision au regard des circonstances, de la personnalité de l’auteur et de ses garanties de réinsertion. En cas de nouvelle récidive, pour les infractions les plus graves, le juge pourra encore prononcer une peine inférieure à une peine minimale, mais dans des conditions encore plus restreintes. Il devra relever des garanties exceptionnelles de réinsertion. En conséquence, bien qu’encadrée, la marge d’appréciation du juge est préservée".

Il reste aujourd’hui à avoir sous les yeux le texte exact du projet qui sera soumis au Parlement pour juger de l’ensemble car certaines questions restent en suspens.

En effet en relisant la proposition de loi Estrosi, on s’aperçoit qu’à l’époque il avait été prévu que dès lors qu’un individu se voyait infliger une peine plancher, il se voyait privé de toute possibilité d’aménagement de la peine par le juge de l’application des peines.

Un juge de l’application des peines vous expliquerait mieux que moi que le meilleur moyen d’éviter qu’une personne qui sort de prison ne réitère ou ne récidive est surtout d’avoir préparé la sortie notamment grâce aux mesures d’aménagement de peines.

Mais il faut bien admettre que si l’idée des peines plancher est d’assurer une véritable effectivité de la sanction (l’emprisonnement), la logique voudrait qu’on supprime la possibilité d’aménager de telles peines.

A mon sens, le résultat ne pourra qu’être négatif.

Autre question, quelles seront les conditions exactes permettant à une juridiction de ne pas prononcer la peine plancher ? On évoque bien entendu la nécessité d’une décision motivée mais le texte fixera-t-il des critères particuliers et limitatifs ou laissera-t-il toute liberté aux magistrats dans la motivation de leur décision ?

Que faut-il entendre lorsque madame Dati explique que "en cas de nouvelle récidive, pour les infractions les plus graves, le juge pourra encore prononcer une peine inférieure à une peine minimale, mais dans des conditions encore plus restreintes" ?

Quid de ces conditions plus restreintes ?

A noter enfin que le 30 mai dernier, madame Dati a reçu les deux principaux syndicats de magistrats (USM et SM) et n’a visiblement pas du tout évoqué avec eux les éléments contenus dans son interview publiée dans le Monde ce jour (sûrement un malencontreux oubli).

Le Syndicat de la magistrature dans le compte rendu de cette rencontre souligne qu’aucune question de fond n’a été évoquée mais que la Garde des Sceaux a assuré que les projets évoqués pendant la campagne électorale seraient traités en concertation.

Le syndicat relève pourtant que le texte élaboré sur les peines plancher aurait déjà été communiqué au Conseil d’Etat.

Deux jours après cette rencontre, la Garde des Sceaux donne une interview traitant dans le détail de cette question.

Je ne suis pas membre (je suis avocat) ni même proche du Syndicat de la magistrature, mais je partage son étonnement sur cette conception de la concertation.

A suivre donc.

source : yahoo actualités